Vendredi 30 juin 2023, au sein d’un parascolaire dans le canton de Neuchâtel, la magie s’est opérée. Nous avons vécu un moment émotionnel très puissant. Mais commençons par le début…

Les mots-cailloux ou l’expression sensorielle des mots qui font mal

Vers le mois de Septembre 2022 nous avons introduit la notion de « mots-cailloux » aux enfants. Nous avions besoin d’une image forte pour leur faire ressentir quel pouvait être l’impact des paroles sur nos émotions et ressentis. Les enfants de cette classe avaient entre quatre et huit ans. Tous les jours nous nous sommes rassemblés avec eux pour un moment de partage lors duquel ils pouvaient nous raconter leur week-end, des histoires de l’école, etc. C’était aussi le moment où nous leur donnions des informations importantes. Pendant ces moments d’échange, nous avons parlé des mots-cailloux. « On se sent comment si on nous lance un caillou ? ». « Est-ce que cela nous plait ? ». etc. Les enfants ont tout suite compris l’importance que pouvaient avoir les mots-cailloux. Au fur et à mesure que les jours passaient, nous avons entendu : « Diana m’a dit un mot caillou » ou « ce que tu viens de dire est un mot caillou ». Ils avaient intégré le concept. Première étape accomplie !

Introduction de la gomme magique 

Après les vacances d’automne, nous avons parlé de la « gomme magique ». C’est quoi cette gomme magique ? A quoi ça sert ? Vous allez le découvrir tout de suite.

Pendant les rassemblements, nous avons expliqué aux enfants que parfois, des mots-cailloux peuvent s’échapper de notre bouche involontairement. Si on est pris par un moment de colère ou qu’on est contrarié, ceci peut nous arriver. J’ai dit aux enfants : « Ne vous inquiétez pas, j’ai une bonne nouvelle à vous annoncer. J’aimerais vous présenter aujourd’hui « la gomme magique » (et j’ai fait semblant de sortir quelque chose de ma poche). Voyez-vous cette gomme magique ? Regardez comme elle est belle. Elle a des paillettes ! ». 

Certains enfants ne savaient pas trop quoi dire et m’ont regardé avec un air douteux. D’autres, plus imaginatifs sans doute, m’ont répondu « Ouiiii !!! Elle est trop belle ta gomme magique. Je la vois ! ».  J’ai dit aux enfants de chercher dans leurs poches pour trouver leur gomme magique car certainement que nous en avons tous une. C’était un moment exceptionnel. Ils ont tous fait le geste de sortir une gomme magique et ils ont commencé à dire : « la mienne est rose », « la mienne est carrée », etc. Nous avons fait le tour pour que chacun nous décrive sa gomme magique. Ils en avaient tous une. Même ceux qui n’étaient pas très convaincus au début. Après cet instant « magique », nous nous sommes posé la question de savoir à quoi cette gomme pouvait bien servir.

Effacer les mots-cailloux

Ils ont bien sûr tout de suite dit « à effacer ». Oui, excellent ! Cette gomme si unique sert à effacer. Mais à effacer quoi ? Le stylo sur une feuille ? Le crayon ? Non, pour ça, une simple gomme suffit.

J’ai dit : « maintenant que nous sommes plus conscients des effets désagréables que les mots-cailloux ont sur nous et que nous savons aussi qu’ils peuvent s’échapper de notre bouche involontairement, ce serait bien d’avoir un moyen pour les annuler. Eh bien cette gomme magique sert à les effacer. Du moment où vous vous rendez compte qu’un de ces mots est sorti de votre bouche, vous mettez votre main dans votre poche, vous sortez la gomme magique et vous dites : « gomme magique en action !!! ». Et avec votre main vous faites le geste d’effacer ce que vous venez de dire ». 

Ils ont trouvé ça rigolo.  Ils ont joué avec leurs gommes magiques avant de passer à table. Pendant le repas, un enfant me dit « Regarde Loida, j’ai ma gomme magique sur la table. Elle sert à effacer les mots-cailloux ». C’était incroyable ! Pendant les semaines qui suivirent, on a pu entendre de plus en plus régulièrement les expressions « mots-cailloux » et « gomme magique » au parascolaire. Deuxième étape réussie ;).  

Des mots-caresses pour soigner les blessures du cœur. 

Environ deux semaines avant les vacances de Noël, nous avons introduit la troisième étape de ce jeu aux enfants : les « mots-caresses ». Voici comment ceci s’est produit :  Toujours pendant le rassemblement, nous avons fait un petit rappel des notions de mots-cailloux et de la gomme magique. J’ai signalé aussi que, même si nous utilisons la gomme magique pour effacer des mots-cailloux, l’enfant qui a reçu ce mot a mal au cœur, comme quand la personne qui nous lance un véritable caillou nous demande pardon. Bien sûr, c’est déjà très bien de demander pardon mais il reste souvent une petite blessure ou une trace chez celui qui l’a reçu. 

Pour aider la blessure à cicatriser, on pourrait utiliser des mots gentils. C’est quoi les mots gentils ? Ce sont les mots qui nous font du bien au cœur. Alors j’ai proposé aux enfants de chercher un mot pour décrire les mots gentils, comme par exemple : des jolis mots, des mots bisous… Ils ont décidé d’appeler les mots qui nous font du bien, des « mots-caresses ». Quelle belle image ! Ils se sont caressé leur visage et, effectivement, ils ont constaté que cela leur faisait du bien au cœur. Pour finir le rassemblement, chaque enfant a choisi un enfant pour lui dire un mot-caresse. « Chloé, j’aime bien jouer avec toi », « Arthur, tu es très gentil », « Cédric, t’as un joli T-shirt » etc. C’était un moment très émouvant.  

Les trois étapes du jeu ont été expliquées et, petit à petit, introduites dans le quotidien du parascolaire. Maintenant, il n’y avait plus qu’à leur faire un petit rappel de temps à autre en leur disant qu’ils avaient à leur disposition la ressource de la gomme magique face aux situations de conflit. 

Le moment de la récompense

Nous arrivons donc au dernier jour du parascolaire, le vendredi 30 juin 2023. Les enfants rentrent de l’école très attristés car un de leurs meilleurs amis va quitter le parascolaire et il ne sera pas là à la rentrée.  On se retrouve tous dans la grande salle pour faire le rassemblement et c’est un moment de chagrin. Des enfants pleurent, d’autres ne savent pas trop quoi faire, la situation est mélancolique. Ils expriment leurs émotions et nous les écoutons. Un enfant très apprécié du parascolaire, Raphaël, va nous quitter après quatre ans car il change d’école et les enfants se sentent désolés. Je leur demande des idées pour Raphaël, par exemple on pourrait lui faire de beaux dessins, un gros câlin, etc. 

Soudainement, un enfant dit : on pourrait lui dire des mots-caresses ! Mais quelle bonne idée ! Il n’y a rien de mieux que les mots-caresses pour nous remonter le moral et faire sourire notre cœur. Les enfants, volontairement, disent chacun un mot caresse à Raphaël. C’est un moment de profonde émotion. Les enfants expriment leurs sentiments et ils lui disent « Raphaël, je t’aime », « t’es mon meilleur ami », « t’es très gentil », « j’aime beaucoup jouer au foot avec toi » et Raphaël à chaque fois il dit : « merci » avec un peu moins de tristesse et un peu plus de joie. Ce moment est plein d’innocence et de sincérité.  

Tout à coup, un enfant se lève et il dit : « J’ai besoin de mots-caresse moi aussi ! ». Et c’est là, ici et maintenant que mes émotions sont remontées. Un enfant demande des mots gentils car il en ressent le besoin. Il voit ce qui se passe autour de lui en ce moment avec tous ces jolis mots qui volent d’un côté à l’autre et dans son cœur, lui aussi est triste et à lui aussi ces mots feraient du bien. 

Des enfants se portent volontaires pour dire des mots-caresses à cet enfant. D’autres enfants en demandent aussi et leurs besoins sont comblés par d’autres enfants toujours motivés à dire des jolis mots aux autres. C’est un instant magique. J’aurai bien aimé arrêter le temps. Raphael est parti du parascolaire avec le cœur rempli de mots-caresses qui vont l’accompagner pour un long moment. De mon côté, ces enfants m’ont fait le plus beau cadeau auquel une éducatrice peut aspirer : dessiner une petite empreinte dans le cœur des enfants.

Quelques précisions

Le jeu de la gomme magique a été fait avec l’accord de la responsable du parascolaire. 

La notion des mots-cailloux, je l’avais découverte dans une école enfantine où j’avais travaillé et je l’ai gardé pour ma pratique professionnelle. La notion de gomme magique c’est mon thérapeute, Daniel Perissutti (Ere Hypnose) qui me l’a présentée et je l’applique aussi bien dans ma vie personnelle que dans ma pratique professionnelle. L’idée d’échanger des mots gentils avec les enfants, c’était une activité que je faisais régulièrement quand je travaillais à l’école enfantine. Ces mots gentils ont été baptisés mots-caresses par les enfants du parascolaire. Ce jeu a été construit en équipe. Quoi de mieux pour développer et mettre à profit les bienfaits de l’intelligence émotionnelle ?

Loida Ruiz, juillet 2023

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